Peu avant le dĂ©cĂšs de l'Ă©crivain HervĂ© Guibert, survenu en 1991, Patrick Poivre d'Arvor s'entretenait avec lui lors d'une Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e sur la notion de mort chez Thomas Bernhard. ManiĂšre pour le journaliste de prĂ©ciser Ă son invitĂ© ses propres influences artistiques et sa grande attirance pour l'oeuvre de l'Ă©crivain autrichien. Une oeuvre noire dont on retrouve en filigrane bon nombre d'aspects dans les romans publiĂ©s par un Patrick Poivre d'Arvor fin scrutateur des tragĂ©dies humaines. Le dernier en date, qu'il a Ă©crit avec son frĂšre Olivier, ne dĂ©roge pas Ă la rĂšgle. AprĂšs la figure de Lawrence d'Arabie servant l'an dernier de socle au roman DisparaĂźtre lĂ encore un rĂ©cit sur la mort, les deux frĂšres Poivre ont pris comme modĂšle central le poĂšte Robert Desnos, nĂ© le 4 juillet 1900 Ă Paris et mort en dĂ©portation Ă Terezin, en TchĂ©coslovaquie, le 8 juin 1945. Avec son titre empruntĂ© Ă un poĂšme de Desnos, J'ai tant rĂȘvĂ© de toi est d'abord un respectueux hommage Ă Robert le diable», cet Ă©crivain engagĂ© contre la barbarie nazie, connu surtout pour ses poĂšmes pour enfants, qui fut traitĂ© de juif» et de philoyoutre» par CĂ©line et qui, en homme d'honneur, gifla au Harry's Bar le journaliste antisĂ©mite Alain Laubreaux. Pour raconter sa fin tragique les frĂšres Poivre ont choisi de relier son destin Ă celui d'une certaine Youki Roussel, jeune fille nĂ©e Ă Sarcelles le 29 avril 1969 dont le prĂ©nom, qui veut dire neige rose» en japonais, a Ă©tĂ© choisi par sa mĂšre en l'honneur du grand amour de Robert Desnos. La mort, encore et toujours, dans des pages pleines de pudeur sur le cancer qui devait emporter la mĂšre de Youki, un autre Ă©lĂ©ment rĂ©vĂ©lateur de ce roman Ă©crit par touches impressionnistes. Petite, celle que l'on appelait la Furtive» allait et venait, la peau et les os», en quĂȘte de reconnaissance. On comprend que les frĂšres Poivre ont mis beaucoup de leurs douleurs familiales dans ce personnage de Youki, atteinte d'un mal de vivre chronique, et se dĂ©finissant comme une fille stabilisĂ©e». C'est elle la narratrice de J'ai tant rĂȘvĂ© de toi. Elle a 26 ans. Elle prĂ©pare une thĂšse sur L'inachevĂ© chez Desnos», et rencontre pour cela, Ă Prague, le grand Ă©crivain Pavel Kampa qui a recueilli le dernier souffle de Desnos Ă la sortie du camp de Terezin. Sa mĂšre ayant eu une aventure amoureuse avec ce poĂšte intellectuel tchĂšque, Youki demeure persuadĂ©e que Pavel Kampa est ce pĂšre qu'elle n'a jamais connu. L'Ă©nigme du livre se trouve dans cette question douloureuse traitĂ©e dans une Ă©criture mĂ©taphorique, avec des chapitres composĂ©s de morceaux de poĂšmes de Desnos dont le cĂ©lĂšbre Les ongles des femmes seront des cygnes Ă©tranglĂ©s». RĂ©flexion sur le mensonge, la psychanalyse, la paternitĂ© et l'Histoire, J'ai tant rĂȘvĂ© de toi est un roman complexe, dĂ©rangeant et terriblement personnel. Les plus lus OpinionsLa chronique de Marion Van RenterghemPar Marion Van RenterghemLa chronique de Sylvain FortPar Sylvain FortLa chronique du Pr Gilles PialouxPar le Pr Gilles PialouxLa chronique de Pierre AssoulinePierre Assouline
RobertDesnos dans son poĂšme met en scĂšne une peinture quâil fait dâun amour fragile et incertain. En premierlieu nous allons voir comment Desnos nous peint cet amour. Les mots que le poĂšte emploie dĂ©voilent ses sentiments : « tant rĂȘvĂ© de toi », « baiser », « qui mâest chĂšre », « la seule qui compte »,« Ă©treignant », « lâamour ».
Poser sa tĂȘte sur un oreiller Et sur cet oreiller dormir Et dormant rĂȘver Ă des choses curieuses ou dâavenir, RĂȘvant croire Ă ce quâon rĂȘve Et rĂȘvant garder la notion De la vie qui passe sans trĂȘve Du soir Ă lâaube sans rĂ©mission. Ceci est presque normal, Ceci est presque dĂ©licieux Mais je plains ceux Qui dorment vite et mal, Et, mal Ă©veillĂ©s, rĂȘvent en marchant. Ainsi jâai marchĂ© autrefois, Jâai marchĂ©, agi en rĂȘvant, Prenant les rues pour les allĂ©es dâun bois. Une place pour les rĂȘves Mais les rĂȘves Ă leur place. 1936
RobertDesnos. Jâai tant rĂȘvĂ© de toi que tu perds ta rĂ©alitĂ©. Est-il encore temps dâatteindre ce corps vivant Et de baiser sur cette bouche la naissance De la voix qui mâest chĂšre? Jâai tant rĂȘvĂ© de toi que mes bras habituĂ©s En Ă©treignant ton